Un grand film sur l’embrigadement dans les pas d’une jeune Française qui a choisi de rejoindre Daesch. Megan Northam y est exceptionnelle.
Ce fut le sommet du dernier festival du film francophone d’Angoulême. Un choc tel qu’on se demande encore quelle mouche a piqué le jury présidé par Kristin Scott-Thomas pour snober aussi violemment Rabia au palmarès et ne lui accorder aucun prix. L’esprit de contradiction sans doute. Mais qu’importe, d’autres festivals ont su depuis récompenser depuis à sa juste valeur ce premier long métrage de Mareike Engelhardt.
Celui-ci nous entraîne dans les pas de Jessica, une Française de 19 ans qui part avec une de ses amies pour la Syrie rejoindre Daesh. Un récit d’une heure trente sans temps mort, à l’os, inspiré de faits hélas tragiquement réels, et né pour partie d’une rencontre de la réalisatrice voilà 8 ans avec une jeune femme elle-même rentrée de Syrie où elle avait passé plusieurs mois au sein de l’Etat islamique, alors qu’elle ne parlait pas plus l’arabe qu’elle ne connaissait l’Islam !
Et pour raconter cette radicalisation qui paraît si irrationnelle, la cinéaste a choisi un angle singulier. Le quotidien d’une maison… de futures épouses de combattants dirigée d’une main de fer par Madame, qui choisit quelle fille sera offerte à quel terroriste. Une sorte de Madame Claude locale qui va mettre Jessica sous sa coupe. Un personnage inspiré de la belgo-marocaine Malika El-Aroud, surnommée la Veuve Noire du djihad qui avait notamment été mariée à un des assassins du Commandant Massoud et que campe magistralement Lubna Azabal.
La grande et forte idée de Rabia est de faire de récit un huis clos. Pour traduire en images le piège façon prison tout sauf dorée qui se referme sur ces jeunes femmes aveuglées, venues chercher en Syrie un espace de liberté qui semblait leur faire défaut en France. Et pour rendre encore plus violent, pervers et assez vite insoutenable ce qui se joue entre Jessica et Madame.
Un film implacable de maîtrise qui ne se contente jamais d’enfoncer des portes ouvertes et met de la complexité là où le simplisme est si souvent de mise et dans lequel où Megan Northam, déjà remarquable voilà quelques mois dans Pendant ce temps sur Terre de Jeremy Clapin, livre la plus impressionnante composition de sa jeune carrière. Avec ce film et ce rôle, elle change définitivement de dimension.
De Mareike Engelhardt. Avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief... Durée 1h34. Sortie le 27 novembre 2024
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