Le prequel de Barry Jenkins est un régal pour les yeux (et les oreilles), mais n’apporte pas grand chose à la mythologie du Roi Lion.
Après l’immense succès du remake du Roi Lion par Jon Favreau, qui a amassé plus d’1,6 milliard de recettes dans le monde en 2019, Disney n’a pas tardé à mettre en branle un autre film. Histoire de masquer un peu le mercantilisme du projet, un auteur reconnu a été embauché, le réalisateur oscarisé Barry "Moonlight" Jenkins. En septembre 2022, son titre était dévoilé : Mufasa : Le Roi Lion.
Une suite ? Un prequel ? Un peu des deux. Le film démarre après les évènements du Roi Lion. Devant s’absenter, Simba demande à Timon et Pumbaa de garder Kiara, la fille qu’il a eue avec Nala. Les deux babysitters sont bientôt rejoints par Rafiki, qui va alors raconter à la jeune lionne, terrorisée par la foudre, l’histoire d’un lion orphelin devenu roi : son grand-père Mufasa. Le (grand) flashback peut commencer.
L’histoire de Mufasa, ce n’est pas ce qu’on nous raconte déjà dans Le Roi Lion ? Oui, mais là c’est différent. Il s’agit de l’histoire du JEUNE Mufasa, et de son amitié avec Taka, un prince qui va l’accueillir comme son frère après l’avoir sauvé de la noyade. Les deux jeunes lions grandissent ensemble, et Mufasa se montre plus courageux et valeureux que Taka, promis à succéder à son père comme roi de la jungle.
Vous ne vous demandiez pas comment Scar s’est fait sa fameuse cicatrice, et pourquoi il déteste tant son frère ? Ça ne vous intéressait pas de savoir que ce n’était pas son vrai nom ? Mufasa vous le raconte quand même. En 2h de film, vous saurez même que Taka/Scar avait des vues sur Sarabi, la futur femme de Mufasa, dont il veut faire sa reine dans Le Roi Lion après avoir causé la mort de son frère.
Nous dire ce qu’on savait déjà, sous un nouveau prisme, c’est le jeu des prequel. Mais Mufasa n’est pas Le Parrain 2, et Barry Jenkins a bien dû mal à injecter du tragique et à nous captiver avec sa réflexion sur la destinée et la filiation. Il retombe même dans les travers du Roi Lion, et sa propagande monarchique maintes fois analysée. Pourquoi la jungle a-t-elle besoin d’un souverain, au fait ? Peut-être qu’un autre film nous l’expliquera un jour.
Le traitement de la bande des lions blancs, menée par le terrible Kiros (doublé en VO par Madds Mikkelsen), est lui aussi problématique. A l’instar des hyènes du Roi Lion, ils sont présentés comme des animaux qui ont été ostracisés (parce qu'ils sont albinos ?) et se sont regroupés pour se venger des autres lions et récupérer leur territoire. Méritaient-ils d’être exclus de la communauté ? Là encore, mieux vaut ne pas y voir une parabole avec le réel…
A défaut de nourrir la mythologie Roi Lion, comme Furiosa l’a fait avec grandeur plus tôt cette année pour Mad Max (dans un registre certes incomparable), Mufasa est objectivement un divertissement familial magnifique pour les yeux. La technique du photo-réalisme est maitrisée à la perfection, certains plans en POV sont vraiment impressionnants, et on ne peut que craquer devant les images de Mufasa et Taka en lionceaux. Et admirer le soin apporté aux détails, comme le pelage mouillé des félins après un séjour dans l’eau.
Les amateurs de Lin-Manuel Miranda en auront aussi pour leur argent. Après avoir enchanté Vaiana et Encanto, le prodige de Broadway signe de nouvelles musiques entrainantes et originales pour Disney (mention spéciale à la chanson de Kiros, "Bye Bye", inspirée par Mikkelsen). Dommage que tout cela soit mis au service d’une fan fiction qui devrait, ironie du sort, nettement moins attirer les foules que le film de 2019 d’après les prédictions de la presse hollywoodienne. Hakuna Matata ?
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