Le coréalisateur du Prénom a dirigé Guy Bedos dans La Jungle. Il s’en souvient avec émotion.
En 2006, Matthieu Delaporte réalise La Jungle, une comédie générationnelle dans laquelle deux branleurs (Patrick Mille et Guillaume Gallienne) parient avec le père de l’un deux qu’ils sont capables de se débrouiller par eux-mêmes pendant une semaine. Ce père intraitable est joué par Guy Bedos, qui effectuait là son grand retour au cinéma neuf ans après Sous les pieds des femmes -on ne compte pas son caméo dans Les clés de bagnole, en 2003. Une comédie coécrite avec son complice Alexandre de la Patellière (avec lequel il signera Le Prénom et Le meilleur reste à venir) qui a permis à Matthieu Delaporte de travailler avec l’une de ses idoles.
Disparition de Guy BedosInstantanément, quelle image vous vient à l’esprit en pensant à Guy Bedos ?
Celle d’un homme élégant, charmant et bienveillant. Je l’associe à Michel Piccoli et Jean-Loup Dabadie qui viennent de nous quitter. Piccoli nous avait écrit, à Alexandre de la Patellière et moi, une lettre délicieuse après avoir assisté à une représentation du Prénom. Quant à Jean-Loup Dabadie, il nous avait remis le prix de l’Académie Française pour la même pièce. Il y avait chez ces trois hommes quelque chose de très confraternel et paternel. Des types bien, vraiment.
Comment s’est passée la rencontre avec Guy Bedos pour La Jungle ?
Quand j’ai écrit le film avec Alexandre, j’ai tout de suite pensé à Anémone et lui pour incarner les parents de Patrick Mille. Ils représentaient nos parents d’humour d’une certaine façon. Guy était une institution à la maison, on allait voir tous ses spectacles. Quand je lui ai proposé le script, qu’il avait beaucoup aimé, il m’a dit oui sans hésiter. Il était même enthousiaste. Je me souviens qu’il est venu sur le tournage une semaine avant de commencer ses scènes, quasiment tous les jours. Je n’ai jamais su si c’était pour vaincre sa peur de refaire du cinéma ou pour me mettre en confiance. C’était en tout cas très intelligent de sa part. Il avait de cette façon sympathisé en amont avec les autres acteurs et l’équipe technique.
En 2006, il était déjà cet humoriste qui lisait ses fiches sur scène. A-t-il craint de ne pas retenir son texte à l’écran ?
Il ne l’a pas montré en tout cas et n’a eu aucun problème de mémoire. Il était très à l’écoute et accessible. Il faut se rappeler quand même du monstre sacré qu’il était à cette époque ! Il ne m’a jamais fait ressentir notre différence d’âge ou mon inexpérience. Il s’est très bien entendu aussi avec Patrick Mille qui le considérait comme son père de cinéma. Je pense qu’il était foncièrement bienveillant, il ne trichait pas.
Comment expliquez-vous qu’il ait eu une carrière au cinéma si peu féconde ?
Je ne sais pas si ça tient à lui ou au manque d’imagination des réalisateurs, il faudrait demander à son agent. C’est tout de même mystérieux, j’avoue. Je constate cependant que ses plus grands rôles, dans Le Pistonné et le dyptique Un éléphant ça trompe énormément/Nous irons tous au paradis, sont des contre-emplois : lui, le comique méchant à la dent dure, joue dans ces films des souffre-douleurs, des faibles. Cela aurait dû ouvrir l’imagination des cinéastes de mon point de vue. Mais son image d’humoriste était tellement forte qu’elle a dû effrayer producteurs et réalisateurs. C’était devenu un personnage public... Il faut savoir aussi que quand tu joues peu au cinéma, un cercle vicieux s’installe : on te voit moins, donc on pense moins à toi.
Avez-vous justement pensé à lui pour un nouveau rôle ensuite ?
Bien sûr, mais, avec Alexandre, nous n’avons rien écrit qui aurait pu lui correspondre. La dernière fois que je l’ai vu, il combattait déjà la maladie et avait beaucoup décliné. C’était dur de voir cet homme, connu pour sa vivacité d’esprit et sa pugnacité, autant affaibli. Ma rencontre avec lui a en tout cas été à la hauteur de l’admiration que je lui portais.
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