Rencontre avec la jeune comédienne qui fait des débuts remarqués et remarquables au cinéma dans le très réussi Placés de Nessim Chikhaoui.
Dans Placés de Nessim Chikhaoui, à (re)voir ce dimanche à la télévision, sur France 2 après Couleurs de l'incendie, Lucie Charles- Alfred incarne Emma, une adolescente de 17 ans placée dans une maison spécialisée dans l’accueil temporaire de mineurs en difficulté. Une jeune femme en rébellion permanente pour essayer d’échapper à un avenir qui lui semble aussi noir que bouché. Et dans ce rôle, son tout premier au cinéma, elle crève littéralement l’écran, avec une énergie et une puissance qui rappellent les premiers pas d’une certaine Adèle Exarchopoulos. On n’a pas fini d’entendre parler d’elle.
Première : Qu’est ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Lucie Charles-Alfred : Je ne peux pas dire que je regardais beaucoup de films plus jeune et je n’en vois toujours pas assez aujourd’hui. Mais je dirai que tout cela est né en classe de première au lycée hors- contrat Saint John Perse qui a sauvé ma scolarité. Car j’y ai choisi la spécialité audiovisuel- cinéma avec comme professeur, un agent Stéphane Maître, qui deviendra mon agent. Ses cours ont été plus pratiques que théoriques : on écrit un court métrage, on le réalise. Et j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire car depuis toute gamine, j’écrivais des histoires, des musiques pour moi. Quand j’entre dans ce lycée, j’avais sauté une classe donc je n’avais 15 ans. Et Stéphane m’incite très vite à aller passer un casting, celui de Compagnons de François Favrat avec Agnès Jaoui. Je n’ai pas les codes. Je viens trop maquillée et coiffée. Et là, je franchis les tours l’un après l’autre. J’ai l’impression d’être dans The Voice. C’est un moment grisant. Je découvre à ce moment- là ce que signifie de jouer et de faire partager des émotions. Je décroche le rôle mais comme je n’avais pas 16 ans à ce moment- là, ça n’a finalement pas été possible. Ils n’ont pas pu s’arranger avec la DDASS pour les heures de tournage quotidiennes alors qu’il s’agissait d’un premier rôle. J’étais un peu déçue évidemment mais le directeur de casting Antoine Carrard m’a assuré que j’avais le potentiel pour ce métier et que ce n’était que partie remise. Pas une occasion unique manquée. Et à partir de là, Stéphane Maître m’a envoyée plus régulièrement sur des auditions et les directeurs de casting aussi. La machine s’était mise en route en quelque sorte.
Placés a donc été un de ces castings…
Oui, c’est mon premier long métrage pour le cinéma. Mais mes vrais débuts remontent quelque mois plus tôt avec le téléfilm Les Héritières, réalisé par Nolwenn Lemesle pour Arte. C’est Stéphane qui, une fois encore, m’a envoyée sur Placés. Le premier échange avec le réalisateur Nessim Chikhaoui et la directrice de casting Manon Le Bozec a consisté à de simples discussions sur nos vies alors que je m’apprêtais à passer le Bac de français. Puis, au fur et à mesure du processus, j’ai auditionné pour différents personnages avant de décrocher celui d’Emma
Comment avez-vous travaillé pour composer ce personnage ?
Emma est une jeune fille sensible, malheureuse qui approche de ses 18 ans. Une révoltée qui se sent mal dans sa peau et qui essaie de s’en sortir par tous les moyens possibles, y compris les plus dangereux comme la prostitution. Et son énergie m’était très familière donc je n’ai pas eu à faire un grand voyage pour l’incarner, même si, contrairement à elle, je n’ai pas vécu en foyer. Cependant, cet univers- là ne m’était pas non plus inconnu. J’ai des amies qui sont placées en foyer, je connais des éducateurs. Donc ce scénario et ce personnage m’ont immédiatement parlé. Et le processus de travail fut très naturel
Comment avez- vous vécu le premier jour de tournage ?
Il s’agissait de la dernière scène du film ! Celle où tout se joue sur des regards, où il n’y a aucun texte, où Emma est donc aux antipodes du côté explosif qui est le sien tout au long du récit. J’étais tellement heureuse de plonger dans cette aventure que je n’ai pas du tout été stressée. Je voulais simplement remplir ma mission ! (rires) Rendre fier mon réalisateur, être à la hauteur de ce scénario et de ce personnage. Car ce que j’aime dans ce film est sa capacité à raconter les choses de manière très réaliste, sans enjoliver la dureté de ce que vivent les enfants placés comme leurs éducateurs, mais avec la volonté d’aller vers la lumière. En distillant de l’humour et de la légèreté de manière très subtile.
Vous avez réussi à oublier la caméra ?
Complètement ! Il faut dire que depuis toute petite, je danse énormément, j’aime me donner en spectacle, faire le clown provoquer des fous rires en famille. Ma mère a souvent filmé ces moments- là avec sa petite caméra donc, inconsciemment, j’ai appris à jouer avec elle. Et cela a donc été quelque chose de tout à fait naturel sur le plateau.
Que s’est- il passé pour vous depuis la fin de l’aventure Placés ?
J’ai eu mon Bac et j’ai été accepté à la Sorbonne en licence d’histoire. Mais je n’ai pas eu le temps d’y aller ! Car j’ai eu la chance de travailler non stop depuis. D’abord une comédie, La Traversée de Varante Soudijan avec Alban Ivanov et Lucien Jean- Baptiste. Puis un court métrage, Ma came où je joue la jeune maman d’une fille malade. Et je vais enchaîner sur Bendo, la série de Nawell Madani pour Netflix. J’ai donc été un peu dépassée par les événements mais je ne pouvais pas rêver mieux ! Surtout pour moi qui ne m’étais jamais imaginée faire ce métier tant ce monde me paraissait inaccessible. Depuis le départ, on m’a souvent dit de faire attention à mon phrasé, à mon côté banlieusarde, que ça risquait de m’enfermer très vite dans un emploi. Mais j’ai eu la chance qu’on me propose des rôles vraiment différents. Et je pense avoir en moi la volonté de refuser ces carcans et de les faire voler en éclats.
Placés, un film réussi sur les éducateurs spécialisés [critique]
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