Chaque jour, retour sur les temps forts de l’édition 2024 du festival du film romantique.
Le film du jour : Girls Will Be Girls de Schuchi Talati
Quelle année pour le cinéma indien ! Après All We Imagine as Light de Payal Kapadia (premier film indien en compétition à Cannes depuis… 30 ans et reparti avec le Grand Prix du Jury) et Santosh de Sandhya Suri (un des sommets de la section Un Certain Regard qui sortira en salles le 17 juillet), ce premier long métrage réussit à mêler récit d’apprentissage, chronique d’une relation mère-fille riche de troubles et de non-dits et portrait implacable d’une société de la société indienne où la menace de la violence masculine, née d’un sentiment de toute puissance, continue de faire des ravages.
Son héroïne, Mira, a 16 ans. Elève brillante, et donc forcément jalousée, d’une école formant les élites du pays dans une ambiance stricte et traditionnelle, elle voit son cœur s’emballer pour un de ses camarades, venu de Hong-Kong. Tout son petit monde va s’en trouver bouleversé. A commencer par sa mère, ex-élève de la même école, qui la pousse à réussir les meilleures études possibles. Trop dépendante de l’argent et des caprices de son mari, elle ne veut pas que sa fille vive la même vie qu'elle. Mais le trouble qu’elle ressent elle-même face à ce garçon va créer un sentiment inédit de jalousie chez Mira.
Dénué de tout esprit scolaire, Girls Will Be Girls se révèle aussi pertinent dans l’exploration des débuts de l’éveil sexuel de son héroïne, dénuée de toute naïveté et sentimentalisme, que dans la montée en tension dans ses rapports avec les autres garçons de l’institut qui, par dépit amoureux pour certains ou incapacité d’accepter qu’elle ait élue déléguée face à eux, vont pousser loin leur stratégie de harcèlement. Deux heures intenses, riche de sentiments contradictoires où Schuchi Talati épate autant par la fluidité de son écriture et la pertinence de son regard.
Sortie le 21 août
La réalisatrice du jour : Sophie Fillières pour Ma vie, ma gueule
Sur scène, en février dernier, en recevant une pluie de César pour Anatomie d’une chute, Justine Triet (qui l’avait dirigée dans Victoria) lui avait rendu hommage, porte-parole ce soir-là de nombre de voix du cinéma français qui avaient un attachement particulier à cette réalisatrice- scénariste (pour Xavier Beauvois, Noémie Lvovsky, les frères Larrieu, Nicolas Maury…), disparue le 31 juillet dernier, à seulement 58 ans, après un long combat contre la maladie. Ma vie, ma gueule est donc l’ultime film de Sophie Fillières (dont les enfants Agathe et Adam ont terminé le montage)... mais aussi son meilleur. Un bijou de mélancolie et d’humour mêlé sous forme d’auto-portrait en femme qui, arrivée à la cinquantaine, après avoir été une bonne mère, une collègue prisée par les autres et une grande amoureuse apparaît à la croisée des chemins, confrontée à la solitude et une angoisse grandissante de la mort.
"Les gens qui doutent" d’Anne Sylvestre aurait pu en constituer la bande originale tant les paroles de cette chanson ("J'aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer/ J'aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer/ J'aime les gens qui tremblent, que parfois ils ne semblent capables de juger/ J'aime les gens qui passent moitié dans leurs godasses et moitié à côté") entrent en résonance avec ce voyage qu’entreprend son héroïne pour retrouver le goût de la vie et sa place dans un monde dont elle se sent de plus en plus étrangère. Rares sont les films capables de parler de dépression avec autant d’acuité, de légèreté et de profondeur. On en ressort le sourire aux lèvres et des larmes au coin des yeux mais aussi la certitude qu’Agnès Jaoui, sublime dans le rôle central, ferait une non moins sublime lauréate du César de la meilleure actrice en février prochain.
En salles le 4 septembre.
La révélation du jour : Alexis Langlois pour Les Reines du drame
Nous sommes en 2055. Et Steevyshady (Bilal Hassani pour ses premiers pas au cinéma, plus que convaincants), youtubeur au visage botoxé, joue les Oncle Paul et raconte le destin hors normes de son idole, la diva pop Mimi Madamour, son ascension qui l’a conduite au sommet de sa gloire en 2005 et sa descente aux enfers, précipitée par son histoire d’amour passionnelle et agitée avec l’icône punk Billie Kohler. Pour son premier long métrage, Alexis Langlois signe un grand film queer populaire, mû par une envie folle de cinéma, un amour pour les personnages et l’époque qu’il raconte, un talent pour réunir des interprètes d’une puissance tonitruante (Louiza Aura et Gio Ventura en tête), une absence de tout cynisme et une direction artistique (visuelle comme sonore) d’une richesse foisonnante. Son titre résume à merveille ce qu’on y voit et on y entend, les potards boostés au maximum, feu d'artifice orchestré par un cinéaste semblant en train de réaliser son rêve de gosse, sans qu’on lui impose ou qu’il se fixe lui- même de limites. Comment la Queer Palme cannoise a pu lui échapper reste un mystère !
En salles le 18 décembre
Commentaires