La cinéaste costaricaine raconte la création de Mémoires d'un corps brûlant, mêlant brillamment fiction et docu pour raconter l’oppression sexuelle subie par les femmes au fil de leurs vies
Quand naît en vous l’idée de Mémoires d’un corps brûlant ?
Antonella Sudasassi Furniss : Tout a commencé il y a 5 ans, lors de la préparation de mon premier long métrage Hormigas, pour lequel j’ai rencontré de nombreuses femmes. Et parler avec les plus âgées d’entre elles m’a donné envie d’échanger avec ma grand- mère sur sa vie. Ce que je n’avais au fond jamais fait, en tout cas pas en détails. Mais ma grand- mère avait alors 92 ans et forcément ses souvenirs étaient imprécis. Alors je suis partie à la rencontre d’autres femmes juste un peu plus jeunes qu’elle pour poursuivre avec elles ce qui guide mon envie de cinéma depuis mon premier court, The Awakening of the Ants : Childhood. Avec Mémoires d’un corps brûlant, j’entendais démythifier la notion de sexualité après un certain âge. Et ce sont ces témoignages passionnants qui ont peu à peu construit l’idée de ce film tout en me faisant comprendre ce que ma grand- mère avait vécu sans ne jamais m’en avoir parlé
Pourquoi avoir choisi cette forme hybride, entre fiction et documentaire et ne pas avoir construit le film uniquement sur le témoignage de ces femmes ?
Pour une raison toute simple : la plupart d’entre elles n’ont pas voulu apparaître à l’écran. Ce fut même un préalable avant toute discussion par peur qu’on puisse les reconnaître. Ce qui raconte évidemment le tabou que cela représente encore pour elles. Je me suis donc retrouvée devant un challenge formel : comment retranscrire à l’écran tous ces témoignages incroyables que j’avais recueillis. Je me suis alors laissé guider par ce qui me venait tout de suite en tête quand elle me parlait, notamment leurs rapports souvent très forts à un vêtement à un objet du passé qui m’ont donné envie d’une déambulation dans un appartement pour remonter le fil de leurs souvenirs. Mais avec ce film, j’avais aussi le désir de montrer les corps de ces femmes qui, passé un certain âge, deviennent totalement invisibilisés. La question de la forme allait donc de pair avec celle de la représentation d’une septuagénaire qui reprend possession de son corps et de ses désirs.
Pourquoi avoir choisi cette forme hybride, entre fiction et documentaire et ne pas avoir construit le film uniquement sur le témoignage de ces femmes ?
Pour une raison toute simple : la plupart d’entre elles n’ont pas voulu apparaître à l’écran. Ce fut même un préalable avant toute discussion par peur qu’on puisse les reconnaître. Ce qui raconte évidemment le tabou que cela représente encore pour elles. Je me suis donc retrouvée devant un challenge formel : comment retranscrire à l’écran tous ces témoignages incroyables que j’avais recueillis. Je me suis alors laissé guider par ce qui me venait tout de suite en tête quand elle me parlait, notamment leurs rapports souvent très forts à un vêtement à un objet du passé qui m’ont donné envie d’une déambulation dans un appartement pour remonter le fil de leurs souvenirs. Mais avec ce film, j’avais aussi le désir de montrer les corps de ces femmes qui, passé un certain âge, deviennent totalement invisibilisés. La question de la forme allait donc de pair avec celle de la représentation d’une septuagénaire qui reprend possession de son corps et de ses désirs.
MEMOIRES D'UN CORPS BRÛLANT: UN BRILLANT MELANGE DES GENRES [CRITIQUE]Pour faire entendre les paroles de toutes celles qui se sont confiées à vous, pourquoi avoir voulu une seule et unique comédienne ?
Parce que je me suis rendu compte, au fil des témoignages de ces femmes pourtant issues de milieux sociaux différents et qui n’ont pas eu la même vie qu’il y avait dans leur rapport au corps et à la domination patriarcale qu’elles ont subi, un lien qui les unissait toutes. Et ce choix d’une seule et unique comédienne me permettait aussi de les protéger. Cela empêchait que telle ou telle anecdote puisse permettre d’identifier celle qui me l’avait confiée. Vous savez le Costa Rica, c’est comme un village. Tout le monde finit par se connaître. Et mon obsession était de protéger leur intimité.
Il fallait alors trouver l’actrice pour relever ce sacré défi…
Beaucoup de comédiennes que j’avais contactées ont décliné car elles ne voulaient pas apparaître dénudées. Sol Carballo, elle, vient de la danse. Elle avait donc en elle cette capacité naturelle d’incarner physiquement ce personnage où tant de choses passent par le corps. Et je pense que les paroles de ces femmes ont percuté quelque chose en elle. Ce fut un rôle et un tournage cathartique pour Sol. Sans compte que comme mes amis me le font remarquer alors que je n’y avais pas prêté attention de prime abord, elle ressemble de façon incroyable à ma mère ! (rires)
Le mélange entre documentaire et fiction à l’œuvre dans Mémoires d’un corps brûlant oblige à un travail de précision au montage. Est-ce que vous avez mis du temps à « trouver » votre film ?
Oui. Pas mal de temps. En voyant le premier bout à bout, le film n’existait pas, ne fonctionnait pas. Donc je suis repartie au travail en prenant du temps – tout en gagnant ma vie évidemment ailleurs avec ma propre compagnie de production via des pubs et des clips – et vous savez quoi ? Tout ce travail de réécriture m’a amenée à un résultat qui ressemble au final comme deux gouttes d’eau au scénario initial. Mais il fallait en passer là pour faire naître le film
Mémoires d’un corps brûlant. De Antonella Sudassasi Furniss. Avec Sol Carballo, Paulina Bernini, Juliana Filloy… Durée 1h30. Sorti le 20 novembre 2024
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