Les stars de La Belle et la Bête sont en couverture du nouveau numéro de Première.
Léa Seydoux et Vincent Cassel, un conte revisité par Christophe Gans... La Belle et la Bête est déjà l’un des projets les plus excitants de 2014. Les deux acteurs nous disent comment ils se sont glissés dans la peau de ce couple mythique.
PREMIÈRE : Que symbolise pour vous le mythe de La Belle et la Bête ?
VINCENT : C’est un conte qui pose la question de savoir ce qu’on fait de nos démons.
LÉA : Tu en fais quoi, toi, des tiens ?
VINCENT : Dans la vraie vie tu veux dire ? C’est compliqué... (Rire.) Dans le film, je suis un prince qui a tout mais qui, par vanité, finit par perdre celle qu’il aime, donc sa raison d’être, et devient alors une bête. La Bête, c’est une image pour signifier la colère, l’amertume, le regret. Jusqu’au jour il va redécouvrir l’amour et avoir une seconde chance.
VINCENT : C’est là que la métaphore devient intéressante. Les princes charmants n’existent pas si on n’accepte pas l’idée que derrière chacun d’eux, il y a une bête. C’est ce que raconte le film : comment un prince et une princesse peuvent-ils continuer à vivre ensemble une fois qu’elle a vu la bête en lui ?
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Quelle place cette histoire tenait-elle dans votre culture avant de faire ce film ? Vous étiez plutôt Cocteau ou Walt Disney ?
LÉA : Petite, j’ai beaucoup regardé le film de Cocteau, ainsi que les contes de fées et les histoires de princesses en général. Ça a énormément nourri mon imaginaire et, d’une certaine façon, ça m’a préservée de l’agressivité du monde extérieur. Je vois les contes de fées comme un rempart contre la dépression.
VINCENT : Oui, moi c’est pareil avec Supervixens et Megavixens...
LÉA : Arrête, je suis sérieuse là ! (Rire.) Encore aujourd’hui, j’ai d’ailleurs tendance à me réfugier dans ce genre d’histoires. À travers les contes, toutes les petites (et les plus grandes) filles cherchent le prince charmant. Pas de costumes, pas d’effets spéciaux. Deux acteurs shootés presque nus à la une de Première et dans les pages qui suivent. A priori, on est loin de l’univers de La Belle et la Bête. Mais en y regardant de plus près, Jean-Baptiste Mondino a capté l’une des symboliques les plus fortes du mythe : une fois libéré des fantasmes angoissants de l’enfance, le sexe cesse d’être repoussant, sa bestialité devient excitante, merveilleuse et émancipatrice. « Jean-Baptiste a très bien compris l’atmosphère de ce film qu’il n’a pas vu et en a saisi l’essence, indique Vincent Cassel. La Belle et la Bête est une métaphore sur les rapports entre l’homme et la femme. » « Sur la perte de la virginité », ajoute Léa Seydoux. Christophe Gans entend proposer un vrai film pour tous. Pas celui qu’on peut voir en famille parce que n’y serait conservé que le plus petit dénominateur commun, mais celui qui permet aux différentes générations d’avoir leur propre niveau de lecture.
Quand on découvre les premières images de La Belle et la Bête, on comprend immédiatement que l’idée était de faire un film très fédérateur...
VINCENT : Oui, dès le début, l’ambition était de faire un film familial. On a très vite choisi de ne pas proposer une Bête trop monstrueuse qui effraie ou qui dégoûte. Il fallait qu’elle fasse un peu peur mais sans être trop repoussante une fois domptée.
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Jusqu’à présent, vos filmographies respectives n’avaient pas spécialement brillé par leur côté tous publics...
VINCENT : Enfin ! Enfin un film que je vais pouvoir montrer à mes filles. (Rire.)
Ça a pesé dans votre décision ?
VINCENT : Non, parce qu’il y a plus important pour mes enfants que de regarder les films de leur père...
LÉA : Mes neveux et nièces sont comme des fous. Je leur ai raconté l’histoire et ils sont fascinés, ils n’arrêtent pas de me demander quand ils vont voir le film.
Il y a une forme d’évidence dans le casting. Vincent, on n’imagine aucune autre star que vous pour jouer la Bête. Vous Léa, vous êtes la Belle officielle du cinéma français.
LÉA : C’est gentil mais c’est vous qui le dites...
VINCENT : J’ai tendance à être plutôt sceptique quand on me présente un projet, mais là, Christophe Gans n’a eu qu’à prononcer les mots « la Belle et la Bête » pour que je sois partant. C’était un sujet parfait pour lui, un rôle parfait pour moi. Et quand, plus tard, il m’a dit qu’il pensait à Léa pour le rôle de Belle, c’était plié. Allons-y, let’s go.
LÉA : Tu lui as dit ça ? « Allons-y, let’s go » ?
VINCENT : Let’s do this shit, baby ! (Rire.) Non, mais sérieusement, dès le départ, la réunion de nos trois noms ressemblait à une bonne idée. Je crois d’ailleurs que le film a été assez facile à financer grâce à ça.
LÉA : Moi, quand on m’a dit que Vincent allait interpréter la Bête, j’ai répondu : « Oui, bon, j’aurais préféré Gaspard Ulliel... » (Avec qui elle vient de tourner “Saint Laurent”, de Bertrand Bonello.)
VINCENT : Je ne te crois pas une seconde. Je suis sûr que tu étais ravie...
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L’une des composantes essentielles du film, qui est avant tout une histoire d’amour, c’est l’alchimie entre vous deux. À quel moment avez-vous compris que le courant allait passer ?
LÉA : C’est compliqué, l’alchimie entre deux acteurs. D’abord, il y a l’aspect physique – certaines personnes vont bien ensemble, d’autres non. Ensuite, c’est évidemment plus agréable de jouer aux côtés de quelqu’un avec qui on s’entend bien, ce qui n’est pas toujours le ca. Mais le résultat final ne dépend pas que de nous, car le metteur en scène contribue énormément à ce que les acteurs vont projeter à l’écran.
Vous voulez dire qu’on peut jouer une histoire d’amour, une attirance érotique sans...
VINCENT : (Il nous interrompt.) Sans avoir la gaule ? Carrément, je confirme ! (Rire.) Il y a longtemps, je croyais qu’il fallait vivre les choses à fond pour que ça marche, mais non, peu importe ce qui se passe sur le plateau. Comme le dit Léa, c’est ce qu’on voit à l’image qui compte. Quand on tournait Sur mes lèvres, de Jacques Audiard, la scripte nous disait souvent, après les prises : « Waouh ! C’était trop sexe... » Avec Emmanuelle Devos, on explosait de rire parce qu’on n’avait pas du tout eu l’impression de jouer « sexe ». On n’était pas dans un rapport de séduction, on passait notre temps à faire les cons. Pourtant, il faut bien reconnaître qu’à l’écran la tension sexuelle était là. Bon, cette fois-ci, j’étais en Bête les trois quarts du temps, c’était difficile de juger de mon pouvoir de séduction...
Vincent, ça faisait un moment que vous essayiez de refaire un film avec Christophe Gans, non ?
VINCENT : Oui. Après Le Pacte des loups (2001), on a lancé plusieurs projets qui ont tous capoté pour diverses raisons, de scénario ou autres. Bob Morane, Fantômas, Le Cavalier suédois – celui-là, j’espère encore qu’il se concrétisera. Pour La Belle et la Bête, il y avait comme une évidence à ce que Christophe s’y intéresse. Il est à l’aise dans le registre du conte en costumes, de la magie et maîtrise les effets spéciaux. Il y a quelque chose de « miyazakien » dans son traitement de l’histoire. Le film est peuplé d’esprits, de petits animaux, de géants.
La Belle et la Bête a été en grande partie tourné sur fond vert. Qu’est-ce que ça change concrètement pour un comédien ?
LÉA : Ça demande bien plus d’imagination. Quand Belle arrive dans le château de la Bête, par exemple, j’étais censée découvrir le décor qui m’entourait alors qu’en fait il n’y avait rien autour de moi ! Je n’avais jamais fait ça, c’est une expérience assez particulière. Mais c’est surtout excitant : ça va décupler ma surprise en tant que spectatrice. Quand Christophe m’a montré les premières images du film, j’ai été bluffée. Pendant le tournage, je ne me rendais pas compte de l’ampleur et de la beauté qu’aurait le résultat final.
VINCENT : Les fonds verts, je m’en tape complètement. Ça ne change rien à ma manière de faire. Quand je joue, je ne suis pas inspiré par les objets qui m’entourent. J’ai vu Georges Wilson et Jacques Dufilho au Théâtre de l’OEuvre avec un banc pour seul décor, et ils m’ont pourtant fait faire trois fois le tour du monde en une heure et demie. Un fond vert, le coin de la rue ou des décors monumentaux comme il y en a dans le film, ça revient au même pour moi. En revanche, quand tu débarques sur un plateau comme celui de La Belle et la Bête, que tu vois tout le bordel qui t’entoure et que tu réalises à quel point les mecs se sont donné du mal, ça, c’est un bon carburant. Tu te dis qu’il va falloir être à la hauteur de tout ça.
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Vincent, parlons un peu de la Bête si vous le voulez bien. Concrètement, ça s’est passé comment pour vous ?
VINCENT : J’avais vu le making of d’Avatar et je pensais que ça allait se dérouler de la même manière, avec des repères sur le visage, et que tout ce que j’allais faire sur le plateau serait récupéré pour les besoins de l’animation. Mais non. Pour faire court, la technologie qu’on a utilisée, c’était six caméras HD braquées sur mon visage, un bas sur ma tête pour que mes cheveux ne gênent pas, et c’est tout. Ces caméras relèvent quelque chose comme dix millions de points sur le visage. Tout a été enregistré, jusqu’au moindre frémissement de narine. Ensuite, des techniciens ont animé le visage de la Bête à partir de mes expressions. Ça a l’air simple dit comme ça, mais en fait c’est super compliqué, parce que c’est un dosage qui dépend de l’appréciation de toutes les personnes qui se relaient pour jouer sur les rendus de lumière, fabriquer une ride, un poil, la densité du poil... C’est pour cette raison que ça met autant de temps à se faire et que ça coûte si cher. Je ne connais pas le montant exact des effets spéciaux, mais une énorme part de l’argent a été consacrée au seul visage de la Bête.
Et pour le corps ?
VINCENT : Je portais ce qu’on appelle un « muscle suit ». J’avais tellement chaud là-dessous que j’ai perdu dix kilos pendant le tournage.
LÉA : Dix kilos, tu en es sûr ? C’est quand même énorme, dix kilos...
VINCENT : Bon, disons neuf si tu veux. C’est une interview pour Première donc je gonfle un peu les chiffres !
Léa, ce film représente une étape importante dans votre carrière dans la mesure où vous n’avez pas encore beaucoup pratiqué ce cinéma populaire. Est-ce un aspect qui vous a motivée ?
LÉA : C’est surtout l’opportunité de jouer Belle qui m’a séduite, c’était un rêve d’enfant. Quand j’étais petite, le seul problème que j’avais avec le film de Cocteau était que je ne m’identifiais pas totalement à Belle. Josette Day avait 32 ans, c’était un peu âgé pour le rôle... J’espère pouvoir devenir un modèle pour les petites filles d’aujourd’hui.
VINCENT : Moi aussi j’aimerais bien être un modèle pour les petites filles. (Rire.)
Blanche-Neige, Hansel et Gretel, Le Magicien d’Oz... Les contes reviennent en force au cinéma et dans l’imaginaire contemporain. Vous avez une explication à ce phénomène ?
LÉA : C’est la crise, on a besoin de rêver.
VINCENT : Il y a aussi le fait que l’évolution des technologies permet aujourd’hui de « relire » ces contes de manière complètement débridée.
LÉA : Le plus séduisant dans la démarche de Christophe, c’est que son film n’est ni un prequel, ni un spin-off, ni quoi que ce soit de ce genre. Le résultat s’annonce très spectaculaire, mais il a surtout tenu à conserver la simplicité originelle de l’histoire. De nos jours, à l’exception de quelques dessins animés, je trouve qu’on manque de films vraiment magiques et merveilleux. Moi, je suis pour la magie et le merveilleux et j’espère que La Belle et la Bête va venir combler ce vide-là.
Interview : Frédéric Foubert
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