Des dinosaures, de l'astrophysique, du microbiens, des étoiles... le magazine anglais Little White Lies vient de dévoiler quelques infos sur le film mystérieux de Terrence Malick

C’est le film le plus attendu de l’année. C’est aussi, sans doute, le plus secret. Tree of Life de Terrence Malick n’a toujours pas été montré, mais il a déjà fait couler beaucoup d’encre, et nourrit toutes les spéculations. Pour l’instant, rien n’a transpiré de ce film à part une ou deux photos et une bande-annonce. Aujourd’hui, un coin du voile vient d’être levé. Le magazine anglais Little White Lies vient en effet de publier quelques secrets jalousement gardés. LWL a pu interviewer toute l’équipe visuelle du film. Qui parle technique, caméra, SFX, mais pas seulement. A travers un processus de création atypique (4 équipes différentes se sont partagés le visuel du film), c’est une oeuvre hors du commun, un film monstre qui apparaît. Un peu.

 

Musique, émotion et 70’s

 

Au coeur de cet article, on trouve Dan Glass, le responsable des effets visuels. Dans son domaine, Glass et une pointure. C’est lui qui a supervisé les effets de Matrix Revolution, du Dark Knight et de V pour Vendetta. C’est lui surtout qui a supervisé les effets de Tree of Life. Ses “discussions avec Terrence ont commencé il y a 4 ans et demi. Et elles furent très vague, pleines de fausses pistes. L’une des choses dont on a beaucoup parlé, c’était de trouver un langage et une approches communs. Je lui ai demandé : “est-ce que tu peux me lister la musique que tu imagines derrière ces séquences ? (...) Il m’a amené un CD avec des tonnes de musique qui correspondait à l’émotion qu’il voulait dégager”. Evidemment, on ne saura jamais quelles musiques, ni quelles émotions ont nourri le film.Mais plus l’article détaille le processus de création, plus la figure de Malick, génie torturé, autiste et maniaque, émerge. On sait le cinéaste secret, limite autiste, mais peu de gens connaissent vraiment ses méthodes. L’article de Little White Lies nous éclaire un peu. Glass qui a travaillé avec les plus grands dit dès le début que Malick “ne ressemble à personne avec qui (il a) travaillé ou travaillera”. Cette profonde originalité commence dès le scénario : “le script, si on peut appeler ça comme ça, ressemblait en fait à un ensemble de notes qu’il a prises depuis 35 ans. Il travaille sur ce projet depuis les 70’s. Des négatifs qu’il a tourné dans les 70’s seront même incorporés au film”. Alors qu’Hollywood formate de plus en plus les scripts et les scénarios, Malick, lui se contenterait donc de notes éparses...

 

Une oeuvre autobiographique mais pas seulement

 

Glass confirme au passage une rumeur qui court depuis maintenant quelques mois sur le net. Tree of Life (désormais ToL) serait le projet Q, le fameux film que Malick porte en lui depuis plus de 35 ans, une oeuvre autobiographique racontant l’histoire d’un garçon grandissant dans les 50’s et qui reste hanté par sa relation avec son père très strict. Mais pas seulement. Si la bande-annonce vendait une chronique initiatique très “world”, le film a une ampleur radicalement différente. Et dans ToL, il sera d’abord question de science. La cosmologie, la paléontologie et la philosophie sont au coeur même d’un projet qui évoque la création de l’univers et prétend dresser un panorama de l’histoire du monde. Glass explique que “la production a créé un département de Recherche qui devait rassembler des tonnes d’images et de données scientifiques. Il y avait un garage transformé en atelier dans lequel on filmait toutes les expériences scientifiques. Cela venait s’ajouter à ce qu’effectuait Doug Trumbull de son côté”. Douglas Trumbull ? Ce vieux copain de Malick, ce génie des effets spéciaux à qui l’on doit les effets de 2001, de ET et de Blade Runner, sera en effet de la partie. Ce qui donne une idée de la tenue du film et surtout de son ambition - visuelle comme philosophique... Car il sera visiblement question de philosophie. A ce stade, il est toujours impossible de savoir de quoi parlera vraiment ToL. Délire scientiste ? Fumisterie zen comme le disent ses détracteurs ? Quand on sait que Malick a enseigné la philosophie, traduit Heidegger (l’un des philosophes les plus hermétiques du XXème siècle), tout cela reste pourtant très logique... Pas clair, mais logique. Dan Glass explique ainsi comment quatre équipes se sont partagées les différents univers du film. Cette répartition du travail donne des indications précieuses sur la structure du film. Glass : “Double Negative à Londres s’est occupé (des effets) de tout ce qui concerne l’Astrophysique (...) Pour ce qui relève du règne microbien, on a engagé une compagnie londonienne, One of Us dirigée par Tom Debenham et Dominic Parker (...). Peter et Chris Parks (...) se sont occupés des flots de couleurs qui sont très difficiles à décrire et qui impliquaient toutes les échelles”. Reste la dernière couche du film : “tout ce qui concerne l’histoire naturelle a été géré par Frantic Films”. Confirmation donc de ce que tout le monde attend : OUI, “il y aura des dinosaures”.Toutes ces informations révèlent donc que ToL sera un film “scientifique”. Ou plus exactement, porté par la science : “nous avons eu le concours de très grands scientifiques. Par exemple, Volker Bromm, spécialiste des étoiles de Population III, les premières étoiles à avoir pris forme dans l’univers. Il y aura une profondeur et une richesse inouie derrière chaque image”.

 

Le sens de l’histoire

 

Avec une telle richesse, une telle densité, le problème sera de créer du sens, d’être intelligible et surtout cohérent. Comment unifier cette multitude de sources, d’imageries et de texture ? Glass est clair : “Terrence préfère l’idée du patchwork. Il peut filmer quelque chose en super 8, puis prendre sa caméra Imax, puis une caméra digitale (...). Chaque image aura son caractère propre. Ce qui pour lui amène l’authenticité. On n’essaie pas de lisser les choses, de les rendre conformes”. Revers de la médaille, ce process parcellaire et diffus laisse ses collaborateurs (et les internautes) dans le flou : “Malick a besoin de voir les choses. le film prend vie au moment du montage. Je pense qu’il ne sait pas nécessairement où va son film. C’est une découverte progressive” constate l’un de ses collaborateurs, Hirota. Ce à quoi Glass répond : “Terrence... a une vision très forte. Il sait où il va. Mais comme son but est ésotérique, il est moins lié à des représentations littérales. Et c’est pour ça que le montage est l‘étape critique (...). Il film de nombreux plans, qui peuvent s’intégrer dans des contextes différents”. Quand on lui demande de résumer cette expérience cinématographique, Dan Glass a cette phrase : “c’est un film puissant sur la mémoire, les émotions et notre place dans le monde (..) et la seule chose constante de cette expérience, c’est qu’il ne faut rien espérer. Il y a toujours le mystère au bout du chemin”Hors genres, hors normes, hors catégories. Malick est un original, à tous les sens du terme. Un homme qui veut garder le contrôle de ses films et qui n’a qu’une seule arme : le secret.