Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.
L’ÉVÉNEMENT
SPLIT ★★★★☆
De M. Night Shyamalan
L’essentiel
L’ancien petit génie du tournant du millénaire signe un thriller mi-horrifique mi-drôle hyper réjouissant.
Le modeste mais terriblement efficace The Visit a démontré la capacité de Shyamalan à se réinventer en petit maître du cinéma de genre après une série de films décevants qui avaient sérieusement entamé son crédit. Ultra rentable (il a rapporté vingt fois sa mise !), The Visit lui a en outre permis de bénéficier d’une grande autonomie artistique au sein du studio Blumhouse dans les limites des petits budgets maison. Résultat : un surcroît d’imagination et d’inventivité dont profite Split à plein
Christophe Narbonne
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PREMIÈRE A AIMÉ
JOHN WICK 2 ★★★★☆
De Chad Stahelski
Quand on y réfléchit, le vrai coup de génie de John Wick premier du nom, n’était ni le meurtre atroce de ce petit chien trop mignon, ni l’invraisemblable résurrection de Keanu Reeves en machine à tuer, ni même l’hilarant cabotinage du méchant Michael Nyqvist. Tous ces éléments étaient super, certes, mais l’atout ultime du film, sa véritable botte secrète, c’était l’Hôtel Continental. Un antre mystérieux sis en plein cœur de New York, rempli de tueurs à gages surarmés et de mafieux suaves, un underworld avec ses corridors intrigants et ses règles occultes (les pièces d’or avec lesquelles on se paye une chambre et résout les conflits), qui posait les bases d’un univers de comic book ultra-séduisant, tout en affirmant qu’on était aussi (surtout) là pour rigoler. C’était une promesse mythologique géniale, un pur réservoir à fantasmes.
Frédéric Foubert
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NOCES ★★★★☆
De Stephan Streker
Sorti en 2011, L’Étrangère de Feo Aladag narrait de façon clinique le quotidien impossible d’une mère de famille turque d’origine allemande obligée de s’exiler à Berlin pour fuir un mari violent. Elle ne recueillait sur place que défiance et intimidations de la part d’une communauté soucieuse du respect des traditions et de la place de la femme – aux côtés de son mari, fût-il dangereux. Noces adopte cette approche « fait-diversière » (le film est extrêmement documenté et ça se sent) pour traiter à son tour de la difficulté de vivre comme une jeune femme moderne en Occident (en Belgique, précisément) lorsqu’on est, comme ici, d’origine pakistanaise. L’héroïne, Zahira, part avec de sacrés handicaps : elle est belle, libre et accidentellement enceinte – son copain ne veut pas ni de l’enfant ni du mariage. Tout le monde l’aime, Zahira (Lina El Harabi, son interprète, est exceptionnelle), son frère, ses amis, le spectateur. Son désir de vie et d’émancipation est universel, la suite n’en est que plus cruelle : incitation à l’avortement et au mariage traditionnel, sans contreparties. Enterrée vivante, l’impétueuse Zahira. Stephan Streker ne stigmatise personne pour autant. À l’image de son maître Asghar Farhadi, il laisse la parole aux tenants de la tradition et du progrès et, dans une très belle scène entre le père (joué par le juge d’Une séparation) et un vieil ami belge (Olivier Gourmet), montre qu’ils sont irréconciliables. Noces n’est pas un pamphlet. C’est un constat. Un effroyable constat d’échec.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
CHEZ NOUS ★★★☆☆
De Lucas Belvaux
La polémique n’a pas tardé : sitôt la bande-annonce de Chez Nous mise en ligne, le 30 décembre dernier, les cadres du Front National se sont insurgés, Florian Philippot en tête qui, sur la seule foi de ces deux minutes, a jugé « scandaleux qu’on sorte dans les salles un film clairement anti-Front National en pleine campagne présidentielle. » Lucas Belvaux lui a répondu que « Chez Nous n’était pas tant un film anti-FN qu’un film sur le discours populiste et sur comment les gens s’engagent en politique. Ce sont les électeurs qui m’intéressent, pas les partis. » Le réalisateur belge a plutôt bien résumé les enjeux qui sont au cœur de Chez Nous, portrait de la fameuse « France d’en bas » - désignée comme telle un peu cavalièrement par Jean-Pierre Raffarin en 2002- qui est devenue le cœur de cible privilégié du parti d’extrême-droite.
Christophe Narbonne
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SI J’ÉTAIS UN HOMME ★★★☆☆
D’Audrey Dana
Il y avait de quoi avoir peur. Sa comédie girly Sous les jupes des filles fait encore cauchemarder certaines têtes pensantes du site. Et puis, avec son titre karaoké, Audrey Dana passe de Souchon à la chanteuse à coffre Diane Tell (le titre du film fait écho à sa chanson : Moi si j’étais un homme)… Il a les défauts de son premier long (le côté catalogue de situation, la provoc gratos et pas toujours aboutie), et pourtant, Si J’étais un homme se révèle plus drôle que prévu. C’est d’abord une comédie à pitch. Un matin, Jeanne, jeune mère célibataire se réveille avec un sexe d’homme entre les jambes. Commence alors une phase d’appropriation de ce drôle d’engin. A partir de là, le film hésite : satire à la Marivaux où l’on va de déguisements en quiproquos, délire social ; comédie gender à la Blake Edwards (Dana enfile même le chapeau de Victor, Victoria)… L’inversion des sexes permet surtout à Audrey Dana de s’amuser avec les clichés du genre. C’est parfois maladroit, parfois inaboutie (c’est quoi cette histoire d’orage ?), mais les seconds rôles canons (Christian Clavier en gynéco BCBG stupéfait et Alice Belaidi en confidente roublarde) sont les armes fatales de cette comédie XXL et XY qui est à l’image de l’actrice-réalisatrice : entière, franche, touchante et… culottée.
Pierre Lunn
DE SAS EN SAS ★★★☆☆
De Rachida Brakni
Pour son premier film, Rachida Brakni s’est intéressée au sort de ces femmes qui visitent leurs compagnons ou leurs fils en prison. « De sas en sas » résume bien le parcours de la combattante que cette démarche implique: les visiteuses passent littéralement d’une pièce à l’autre, chacune d’elles étant un passage obligé avant la suivante. Fouille, déshabillage, re-fouille, maquillage, attente… Le tout dans une chaleur étouffante (pas de clim’, c’est le plein été) et dans une insalubrité dégradante. Brakni admire à l’évidence ces victimes collatérales de la justice mais ne les sanctifie pas pour autant. Certaines sont des langues de vipère, d’autres font preuve de dangereuse passivité ; les « gentilles » ont des défauts, les « méchantes » ont des qualités. C’est une population profondément humaine (on n’oublie pas les matons, qui échappent à la caricature) que la réalisatrice autopsie avec un sens aigu de la mise en scène. Le travail sur le son et le cadre, remarquable, traduit l’enfermement et la promiscuité qui touchent aussi bien les détenus (qu’on ne verra jamais) que leurs visiteuses. Le dispositif mis en place par Brakni finit cependant par ronronner et la lassitude, vécue par les protagonistes, par nous gagner. Peu importe, en réalité. De sas en sas est une proposition de cinéma suffisamment originale pour passer outre.
Christophe Narbonne
CERTAINES FEMMES ★★★☆☆
De Kelly Reichardt
La cinéaste indépendante Kelly Reichardt poursuit son chemin mutique sur les routes d’Amérique. Certaines Femmes entrecroise quatre portraits de, hum… femmes (Laura Dern, Michelle Williams, Kristen Stewart et Lily Gladstone) dans une forme proche du film à sketches, évoquant le Short Cuts de Robert Altman. C’est un film intrigant, intimidant, mais assez passionnant si on décide de ne pas se laisser impressionner par ses longues plages de silence. Le propos de Reichardt n’est pas tant à chercher dans les intrigues elles-mêmes que dans les indices « westerniens » disséminés aux quatre coins du cadre. Un train traversant une plaine du Montana, des Indiens paradant dans un centre commercial, une fille qui se rend à ses cours du soir à cheval… L’idée, ici, est de traquer les échos et les vestiges d’une Amérique primitive, pré-industrielle, puis de la faire remonter à la surface en la repeuplant de figures féminines. Comme s’il s’agissait, dans une optique féministe, de « corriger » la version masculine (machiste ?) de l’histoire de l’Ouest. Le paysage est montré à la fois comme une prison et une promesse sans cesse renouvelée d’émancipation. Tout ça a l’air affreusement théorique dit comme ça, mais Reichardt réussit ici, comme dans son chef-d’œuvre La Dernière Piste, à combiner ses partis-pris les plus intellectuels avec des bouffées purement émotionnelles, dans une espèce de langueur cool qui évoque pour le coup moins Short Cuts que les Altman seventies, les meilleurs, ceux qui combinaient colère politique et hébétude jointée. Certaines Femmes souffre parfois d’un excessif esprit de sérieux mais est en tout cas une preuve précieuse que le ciné indé US n’est pas condamné à ressasser ad lib les mêmes formules toutes faites.
Frédéric Foubert
LES DERNIERS PARISIENS ★★★☆
De Hamé et Ekoué
De tous les groupes de hip-hop nés dans les années 90, La Rumeur est sans doute celui qui impose le plus de respect en raison de sa longévité, de son intégrité artistique et de la profondeur de ses textes. Avec l’excellente minisérie De l’encre (diffusée en 2011sur Canal+), portrait d’une jeune rappeuse hardcore obligée de se renier pour gagner sa croûte, les deux leaders de La Rumeur ont appliqué à la fiction leur credo : de l’authenticité, de l’authenticité, encore de l’authenticité. Pour leur passage au long métrage, ils n’ont rien changé, si ce n’est, peut-être, leur approche de la mise en scène, un peu moins conformiste. Entièrement tourné à l’épaule, au plus près des comédiens, selon un dispositif dardennien, Les Derniers Parisiens se veut une photographie en mouvement d’un quartier, Pigalle, dont Hamé et Ékoué tentent de percer l’âme à travers des portraits sur le vif de ses habitants. Clodos, entraîneuses, mauvais garçons, commerçants, vendeurs à la sauvette sont croqués avec justesse et quasiment mis sur le même plan que Nas et Arezki, les protagonistes du film, un ex-détenu en probation (Reda Kateb, toujours aussi félin) et un patron de bar (Slimane Dazi, phénoménal de présence muette) obligé de chaperonner ce frère cadet envahissant. Avec une écriture aussi précise que triviale, le duo élève ce faux film de gangsters – plein de bruit et de fureur mais dénué d’armes automatiques – au rang de puissante tragédie familiale où perce une infinie mélancolie.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
FENCES ★★☆☆☆
De Denzel Washington
Grand drame familial et social dans l’Amérique ségrégationniste de 1957, Fences est adapté d’une pièce de théâtre que Denzel Washington a déjà jouée sur les planches, expérience qui se ressent à l’écran : totalement habité par ce rôle auquel il semble être destiné, l’acteur, également à la réalisation, bouffe l’écran comme il bouffe les autres personnages du film, au point de le cannibaliser. Grandiloquent et dur à digérer.
Vanina Arrighi de Casanova
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LION ★★☆☆☆
De Garth Davis
Sur l’affiche de Lion, on peut lire ces mots extraits de la critique du site IndieWire : « Le nouveauSlumdog Millionaire ». Ce qui est un peu exagéré. Disons plus raisonnablement que le film se passe en Inde et que Dev Patel joue dedans. Mais aucune trace ici de la furie stroboscopique et du surrégime clipesque d’un Danny Boyle. Au contraire : le débutant Garth Davis (c’est le premier film du co-réalisateur de la série Top of the Lake) a opté pour un style neutre, impersonnel, choisissant d’illustrer de la façon la plus simple et directe cette « incroyable histoire vraie » (ça aussi, c’est écrit sur l’affiche).
Frédéric Foubert
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SEULE… MAIS PAS TROP ★★☆☆☆
D’Alexandra Robert
Suzy, trentenaire qui entretient une relation tumultueuse avec sa mère envahissante, vient de perdre son travail et se faire larguer par son copain alors qu’elle est enceinte. Première réalisation d’Alexandra Robert, qui porte ici les casquettes de réalisatrice, actrice, dialoguiste, et scénariste, Seule… mais pas trop est une œuvre gauche mais sincère. Une sorte de Bridget Jones à la française –ou plutôt à la bretonne- qui brille moins par son cachet cinématographique que par une certaine bonne humeur communicative.
François Rieux
Et aussi
La dormeuse Duval de Manuel Sanchez
4.48 de Jacky Katu
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