Le nouveau film de James Gray est une réussite.
La Statue de la Liberté à l’horizon, Ellis Island, la misère grouillante du Lower East Side… Si la filmo de James Gray est un fleuve, nous voici à sa source. Au cœur de ses obsessions cinéphiles, sur les terres du Parrain 2 et du Kazan d’America, America. On imagine Gray un peu ému d’être arrivé jusque-là, et d’ailleurs, ça se sent : les scènes d’exposition (maladroites, bavardes, corsetées) laissent augurer un Gray en demi-teinte, malgré (à cause ?) de la minutie de la reconstitution et de la volonté évidente de bien faire. La photo de Darius Khondji, à mi-chemin de Gordon Willis et du Vilmos Zsigmond de John Mac Cabe, a beau être sublime, ça ne va pas suffire…
Puis on se rassure en se souvenant que tous les films de Gray (tous, sans exception) ont cet air mineur au premier abord, presque déceptif. L’homme n’a-t-il pas passé sa carrière à redimensionner des tragédies viscontiennes pour les faire tenir entre les murs d’un trois-pièces-cuisine du Queens ou de Brooklyn ? Une fois circonscrit au terrain de jeu fétiche du cinéaste (la thématique des frères ennemis, les visages de ses acteurs, la ville de New York plongée dans la pénombre), The Immigrant peut alors, enfin, révéler sa nature de mélo conçu selon un rythme crescendo. A mesure que se déploient les scènes sublimes (une confession dans une église, un duel dans un corridor, une chasse à l’homme dans les égouts), le film est emporté dans une spirale de violence sociale (on a rarement vu de grand récit de fondation américain aussi brutal, aussi amer), dont la noirceur ne sera tempérée in extremis que par la possibilité du pardon. L’occasion pour James Gray d’importer dans son cinéma une morale catholique qui le rapproche soudain de Bresson. Il était une foi en Amérique ? Ça aurait fait un bon titre, oui.
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