Le comité à tranché dans la journée : entre La Belle Saison (Catherine Corsini), Dheepan (Jacques Audiard), La Loi du Marché (Stéphane Brizé), Marguerite (Xavier Giannoli) et Mustang,c’est finalement le premier film de Deniz Gamze Ergüven qui représentera la France à l’Oscar du Meilleur film étranger. Très apprécié à Cannes où il avait été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, le long-métrage qui raconte l’histoire de cinq jeunes sœurs devant être mariées de force a été tourné en turc avec des actrices du pays. Pourquoi ce film plutôt que le Audiard ? Et qu’est-ce qui définit la nationalité d’un film ? Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé le producteur de Mustang, Charles Gillibert.
Première : Charles, comment avez-vous réussi à convaincre le comité de pré-sélection de ne pas envoyer Audiard aux Oscars ?Charles Gillibert : Vous vous doutez bien que ce n'était pas notre but : ce matin, nous n’étions pas là pour parler des autres. Mais peut-être que Dheepan n’a pas été sélectionné parce que Jacques a déjà concouru une fois (avec Un Prophète en 2010).
C’était quoi vos arguments pour imposer Mustang ?On a rappelé une évidence : depuis Cannes, nous avons réussi à montrer que le film plaisait énormément aux Etats-Unis. A la presse, mais aussi au public comme l’a montré le passage du film au Festival de Toronto. Mustang a reçu une standing ovation de plus de 10 minutes. Je n’avais jamais eu autant de retours formidables. La seule appréhension que j’avais ce matin devant le comité de pré-sélection, c’est qu’il s’agit d’un petit film et qu’il se mesurait vraiment à quatre costauds…
Techniquement parlant, comment est-ce qu’un film tourné en Turquie, en langue turque, par une réalisatrice et avec des actrices locales peut représenter la France ?Mustang, c’est avant tout l’une des écoles de cinéma les plus prestigieuses au monde : La Fémis, par laquelle Denize Gamze Ergüven, la coscénariste ainsi qu’une partie des techniciens du film sont passés. Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous envoyons ce genre de films à l’Oscar du meilleur film étranger. Il y a eu Orfeu Negro, de Marcel Camus en 1960 ou encore Luis Buñuel avec Le Charme discret de la bourgeoisie, en 1972…
Pourtant Marcel Camus était français et Le Charme discret de la bourgeoisie a été tourné dans la langue de Molière….Oui, mais réalisé par un espagnol qui a vécu entre l’Espagne et le Mexique. Son film n’allait pas représenter l’Espagne pendant le franquisme, la France l'a accueilli. Quand Orfeo Negro, tourné au Brésil en langue portugaise, a représenté la France aux Oscars en 1960, on était en pleine Nouvelle Vague. Truffaut et Godard venaient tous les deux de sortir un film cette année-là (respectivement Tirez sur le pianiste et Le Petit Soldat, ndlr). Et il n’y a pas eu de débat. Au fond, ce qui compte, c’est moins la nationalité de la réalisatrice que la question des valeurs. La France porte les siennes au-delà de ses frontières, précisément pour qu’un film comme celui-ci puisse exister. Il n’a d’ailleurs été faisable qu’avec des producteurs français et grâce à une réalisatrice qui, ayant reçu une éducation française, a pu retourner en Turquie filmer ce qu’elle avait vu, entendu, constaté. Du point de vue des valeurs, Mustang est en phase avec celles que défend la France. C’est ce genre de long métrage que la commission avait envie de promouvoir.
Mais concrètement, qu’est-ce que Mustang raconte de la France ?C’est un film qui célèbre l’éducation en réaction à certaines formes de conservatisme. C’est un film qui appelle la jeunesse à ne pas se soumettre quand on touche à ses libertés fondamentales. Et c’est surtout un film qui revendique son ouverture plutôt qu’un repli identitaire.
Mustang pourrait donc représenter la France lors de la 88ème Cérémonie des Oscars qui se tiendra le 28 février 2016
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