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Le journaliste et critique de cinéma, ancien de Première, est décédé hier d'une crise cardiaque au festival de Sarlat. Il avait 70 ans.

Sa voix puissante en faisait un formidable animateur radio, sa silhouette massive imposait le respect lorsqu’il présentait avec passion des émissions à la télé, et sa prose alerte et virtuose faisait les délices de ses confrères comme de ses lecteurs. Jean-Jacques Bernard avait ce don rare de conjuguer une quantité de qualités qui lui ont permis de s’exprimer avec une égale aisance sur tous les supports.

C’est en qualité de journaliste-écrivain qu’il a passé plus de vingt ans à la rédaction de Première, et ceux qui l’ont connu se souviennent de sa présence colossale annoncée par sa voix, qui lançait des vannes salaces dès sa sortie de l’ascenseur. Il aimait bien choquer, à condition d’en rire.

Avec son gabarit hors normes qui rappelait Hitchcock et Orson Welles (jusque dans sa consommation de cigares), il incarnait une tradition rabelaisienne de la démesure et de la gourmandise. En descendant à Cannes en voiture, ceux qui l’accompagnaient se souviennent encore des haltes qu’il avait programmées dans les environs de Lyon pour faire honneur aux bonnes tables du coin. A l’évidence, il était gourmand, avec un appétit hors normes qui s’étendait à tous les domaines.

En matière de cinéma, ses goûts le portaient naturellement vers les auteurs français, dont il savourait la musique des mots dans la bouche des grands interprètes de toutes les époques. Il connaissait sur le bout des doigts les grands classiques hollywoodiens, ce qui ne l’empêchait pas d’être ouvert sur le monde et le présent : il discutait volontiers avec des jeunes cinéphiles de toutes obédiences, amateurs de genre comme de films d’auteurs exotiques, pour échanger et se tenir au courant. Il mettait à profit ses rencontres pour transmettre et faire passer sa propre cinéphilie tout en exprimant celles des autres.

S’il faut déplorer sa disparition, on peut se consoler en hasardant qu’il a été surpris comme Molière, alors qu’il faisait ce qui lui a toujours tenu à coeur. C’était en plein festival de Sarlat, juste après avoir animé un débat entouré de gens qui le respectaient. En bon vivant, il a bien vécu.