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"Incompréhensible" : c'est le jugement prononcé par des spectateurs du Loup de Wall Street. Une réaction curieuse, car le dernier Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio est jugé vulgaire, trash, agressif, excessif, long… Mais pour l'instant, tout le monde avait jugé le film tout à fait clair. Alors pourquoi ? la raison est simple : ces spectateurs ont vu la version projetée à Dubaï, dans les Emirats arabes unis. Et cette version dure 45 minutes de moins que celle d'origine, sa durée initiale de 2h59 étant réduite ainsi à 2h14… Le centre national des médias a nié avoir coupé dans Le Loup, déclarant qu'il s'agit du boulot du distributeur local, Gulf Films. Qui aurait fait le boulot n'importe comment, selon eux : "on n'a pas touché au film", explique le responsable de la vérification du contenu des médias Juma Obaid Al Leem au site Gulf News. "Le distributeur avait déjà fait les coupes. Quand on leur a posé la question, ils ont dit qu'ils avaient coupé autant de scènes et de mots parce qu'ils voulaient distribuer le film dans les pays du Golfe…"Quel que soit le responsable des coupes, il a complètement charcuté le Scorsese, provoquant l'incompréhension et la colère des spectateurs. "C'était comme regarder la Joconde avec des lunettes de soleil", raconte un d'entre eux à Gulf News. "Il y a tellement de coupes incompréhensibles que vous n'étiez jamais sûrs de ce qui se passait…" Il y avait matière à tailler dans le film, qui regorge de scènes de partouzes, de relations sexuelles hors mariage, de nudité féminine et masculine (de dos comme de face), de drogues en quantité. Et surtout, le film est extrêmement vulgaire : on y prononce entre 506 et 522 fois le mot "fuck" (le film détient le record du monde de prononciation du mot pour un film de fiction -ce montage vous donnera une idée de la chose). "Les jurons étaient remplacés par du silence, rendant chaque phrase incompréhensible", précise un spectateur. "Le film sautait d'une scène à l'autre, le flow était complètement perdu", râle un autre. D'une manière générale, les déçus se sont alors tournés vers les plate-formes de téléchargement illégal pour profiter du film dans son intégralité.Bref, encore un beau loupé de la censure. Heureusement, M. Al Leem a tenu à rassurer Gulf News sur l'intégrité de son département : "on a dit au distributeur de ne toucher à rien la prochaine fois. On fera les coupes nous-mêmes. On prendra la décision. Peut-être que certaines scènes auraient été acceptés." Rien ne vaut en effet une bonne censure d'état, pour ce diligent fonctionnaire qui ne semble même pas envisager qu'on pouvait aussi laisser le film intact. Mais chaque pays a ses règles. Le distributeur a préféré l'autocensure au risque de l'interdiction pure et simple.Le Loup de Wall Street, qui a valu à Leonardo DiCaprio -dément en trader intoxiqué au fric et au sexe- le Golden Globe du Meilleur acteur dans une comédie, est un succès dans les salles françaises où il est toujours projeté (sans coupure). Bande-annonce :