Le cinéaste britannique Andrew Haigh investit les Grands Espaces américains et filme l’errance ultra-sensible d’un jeune homme et son cheval. Un beau vertige.
Le titre français du nouveau long-métrage d’Andrew Haigh en rappelle un autre : La balade sauvage, œuvre inaugurale de Terrence Malick (1973) qui voyait un couple de Bonnie & Clyde, à la fin des fifties, quitter l’hostile civilisation pour une nature à priori protectrice. C’est un même trajet, une même errance dans une Amérique certes contemporaine mais toujours aussi si vaste, qu’opère cette route sauvage. Ce rapprochement par son titre, le cinéaste britannique n’y peut toutefois pas grand-chose. Il adapte ici un roman très « americana » de Willy Vlautin : Lean on Pete en v.o, en référence au nom d’un pur-sang, figure centrale du récit. Le jeune héros, Charley, 15 ans, vit dans l’Oregon avec un père sympa mais à la ramasse. Il commence à travailler pour un éleveur de chevaux (Steve Buscemi et sa trogne si reconnaissable qu’on est toujours heureux de retrouver sur grand écran) et se prend d’affection pour Pete, un canasson promis à la « casse ». Charley prend ses cliques et ses claques - dont Pete ! - et part à l’aventure, traverse plusieurs états à la recherche d’une cellule familiale plus clémente qui pourra les accueillir, lui et son animal.
Désert mental
On le sait : l’Amérique et ses territoires impriment une légende et des mythes plus ou moins fondateurs, que les écrivains, les photographes et les cinéastes n’ont eu de cesse de visiter. Et visitent encore, même si la source semble tarie. Cette Route sauvage n’est toutefois pas l’énième ode à une nature rédemptrice ou sacrificielle type Into the Wild voire Gerry, et si la caméra du cinéaste britannique est saisie par la majesté de l’infini qui s’offre à son personnage, cette immensité n’est jamais envisagée comme un refuge, un obstacle ou une prison, mais plutôt un simple désert mental que Charley traverse sans trop d’exaltation. Une distanciation qui, paradoxalement, replace la nature au centre de tout, témoin ce plan rapproché de Charley et Pete qui soudain s’agrandit pour dévoiler un horizon aussi vaste qu’absurde (la mobilité flottante de la caméra évoque bien Malick) Le jeune interprète Charlie Plummer, vu dans la série Broadwalk Empire (aux côtés déjà de Steve Buscemi) cultive avec une maturité confondante le mystère à peine voilé de ce personnage en marche.
Thomas Baurez
Bande-annonce de La Route Sauvage, qui sort aujourd'hui au cinéma :
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