"Je n’ai pas essayé de refaire le film de Cocteau, surtout pas", explique le réalisateur de la nouvelle version de La Belle et la Bête.
« Quand j’ai dit aux gens de Pathé que je voulais faire La Belle et la Bête, leur première réaction a été de me dire « Vous vous doutez bien qu’on va vous parler du Cocteau et on va vous l’envoyer dans la figure », et j’ai dit « Oui bien sûr, ça va de soi ». Mais pour moi le Cocteau présente un intérêt, c’est que ce n’est pas un film fini. D’une part parce que ce n’est que l’adaptation partielle du texte original, c’est-à-dire qu’il y a des pans entiers qui n’intéressaient pas Jean Cocteau et qu’il ne traite pas - et c’est son droit. D’autre part parce que c’est un film de Cocteau et, comme tous les grands touche-à-tout, quand il faisait un film il le faisait comme on rendrait un manuscrit avec des ratures ou des annotations dans la marge. Son film n’est pas vraiment un objet bouclé. Et il est plus l’expression de sa modernité qu’une adaptation de la Belle et la Bête à proprement parler. Cocteau s’est servi du conte pour faire un film qui est peut-être le sommet de son art, mais qui est aussi personnel que peut l’être son Orphée. Et puis Cocteau aimait que les choses soient refaites, réinterprétées, réadaptées. La Belle et la Bête est un de mes films favoris, mais il ne m’a pas pour autant écrasé quand j’ai fait le mien ; au contraire, l’ombre de Cocteau était plutôt bienveillante.
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Réactualiser le conte
D’autant que je n’ai pas essayé de refaire le film de Cocteau, surtout pas. Mon adaptation tient compte de ce que le film de Cocteau, mais également celui de Disney, ont inscrit dans l’inconscient collectif. Ces films ont été vus par beaucoup de gens, sur plusieurs générations, et ils ont laissé des traces. Mais l’avantage des contes de fées, c’est qu’ils restent toujours actuels. En adaptant juste un peu ils nous racontent toujours quelque chose sur l’époque, sur notre époque. Le premier tiers de mon film raconte l’histoire d’un homme, veuf, qui chute au bas de l’échelle sociale et qui s’occuper seul de ses six enfants – chacun réagissant différemment face à leur déclassement social. Ça c’est très contemporain : une famille monoparentale soumise à la crise. Et c’est un aspect du conte que Cocteau avait très peu mis en avant, parce qu’à l’époque je pense que ça ne les intéressait pas. Le film de Cocteau est axé sur la bête. Moi, je raconte l'histoire de Belle, l’histoire d’une jeune fille totalement dévouée à son père, on peut le dire, amoureuse de son père, et qui va découvrir l’amour avec une créature splendide et pathétique. C’est donc l'histoire du passage d’une passion à une autre. La fin est également très différente : dans le film de Cocteau, Jean Marais et Josette Day s’envolent vers un monde supérieur, le monde des dieux (une image qui a été refaite plus tard à l’identique dans le Superman de Richard Donner), un monde très riche où il y a plein d’argent. Evidemment ma version ne se termine pas comme ça : ce serait obscène aujourd’hui de dire en gros que le seul remède à la crise, c’est le pognon (rire). Mon film fait passer le message que la seule façon d’affronter la crise, c’est de s’en remettre à l’amour et l’imagination. »
Propos recueillis par Gérard Delorme
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