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Le film de Darren Aronofsky marque le festival, quitte à éclipser les autres films présentés.Après avoir théorisé ses racines indépendantes avec The Fountain et The Wrestler, quitte à sacrifier en partie son style éminemment sensoriel, Darren Aronofsky revient aux enjeux esthétiques qui nous ont fait l'aimer en premier lieu : un récit fragmenté à la première personne, un système narratif enchainé à la mise en scène, un cinéma coup de poing qui matraque et laisse K.O. Le seul problème qui se pose avec Black Swan - mais il est de taille - est que ce film, on l'a déjà vu, en version animée, avec une jeune fille prisonnière de ses névroses et du monde-miroir de la télévision (ici, le ballet). Ca s’appelait Perfect Blue. Jamais totalement affranchi de son modèle, Black Swan s’approche dangereusement du plagiat et il y a comme un certain malaise à le découvrir quelques jours seulement après la disparition de Satoshi Kon, génie visionnaire de Perfect Blue (entre autres). Natalie Portman est une danseuse du New York City Ballet choisie pour être le visage d'une nouvelle version du Lac des Cygnes. Mais trop douce, trop innocente, elle n’a pas encore la férocité requise pour le rôle. Pur faire ressortir le Black Swan qui sommeille en elle, elle devra se dédoubler... Impossible de ne pas voir un autre film en transparence. Pourtant, la palette mate de la photo, la grâce inouïe de Natalie (enfin un film qui sait l’utiliser !), le vertige et la fluidité des mouvements d’appareil...Tout concourt à vaincre nos résistances, une à une, jusqu’à un final d'une beauté absolue, frissonnante, qui entre immédiatement, du point de vue de ce journaliste accrédité, au panthéon des plus grandes séquences de l'histoire du cinéma. Terrassant. Enchainer aussitôt avec Never Let Me Go ne rend pas tout à fait service au nouveau Mark Romanek (clippeur célèbre, auteur du médiocre One Hour Photo avec Robin Williams). Mais le film n’avait pas besoin de ça pour décevoir... Dans un pensionnat à l'écart du monde, au milieu de la campagne anglaise, trois enfants comprennent qu'ils sont des clones dont l'existence a pour unique objectif le don de leurs organes. Triangle amoureux, photo automnale glacée, Carey Mulligan (superbe) les yeux dans le vague... Le paysage de science fiction hébété qu'essaye de dessiner Never Let Me Go ne tient pas très longtemps. Subsiste surtout un ennui opaque et enveloppant. Il y avait un grand film caché quelque part ici. Mais Romanek et Alex Garland (au scenario, d'après Kazuo Ishiguro) ne l’ont pas trouvé... Le nouveau Errol Morris, Tabloïd, est suprêmement divertissant. L'histoire, parfaitement adaptée à notre époque, de Joyce McKinney, une nobody qui ne gagnait pas forcement à être connue, bimbo folle et charismatique au centre de plein de faits divers incroyables (le kidnapping d'un type affilié mormon dans les années 70, grosse affaire en Angleterre à l'époque, le clonage de petits chiots etc...) dont elle a été la protagoniste parfois à dessein, mais le plus souvent accidentellement. Morale de l’histoire ? Restez trop longtemps dans l'œil du cyclone, et vous y prendrez goût. Bonne leçon, ça. Allez, on rentre à Paris !