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Au milieu des années 80, six jeunes bricoleurs de génies lancent un labo d’images et de sons. Propaganda Films vient de naître et le monde du cinéma, du clip et de la pub ne sera plus jamais comme avant. 

C’est l’histoire d’une compagnie qui a révolutionné la musique, la pub et le cinéma des années 80. C’est l’histoire d’une bande de potes qui a changé la manière de faire des images et imprimer l’époque comme aucun studio n’a réussi à le faire avant. En 1986 deux producteurs et quatre jeunes cinéastes montent Propaganda Films. Steve Golin, Sigurion Sighvatsson, Greg Gold, David Fincher, Nigel Dick et Dominic Sena lancent une boite pour produire des clips et des pubs qui vont marquer l’époque. 10 ans plus tard, Propaganda films a accueilli les plus grands noms d’Hollywood. Spike Jonze, Steven Soderbergh, Michael Bay, Alex Proyas ont fait leurs armes dans cette phalange industrielle qui a participé à l’aventure Twin Peaks et ripoliné l’esthétique MTV (entre autres).

C’est cette success story que raconte Benoit Marchisio dans un livre palpitant et hyper documenté. Il n’était pas là, mais il se souvient de tout : son Génération Propaganda – l’histoire oubliée de ceux qui ont conquis Hollywood raconte avec les témoignages des principaux aventuriers un pan essentiel du cinéma américain des 80s-90s. Au moment où le dernier Transformers atterrit sur nos écrans et que son ouvrage se trouve dans toutes les bonnes librairies il a choisi et commenté pour nous 10 vidéos (folles, forcément folles) qui résument bien les hauts faits d’armes de cette compagnie pas comme les autres.

 

1. Steve Winwood - "Roll with it" - réalisé par David Fincher (1988)

Benoît Marchisio : "Probablement l'un des clips les plus méconnus de Fincher et pourtant l'un des plus spectaculaires. Sur cette vidéo, le cinéaste expérimente avec tous les outils qui sont à sa disposition. Il va monter une "lentille tuba" (qui permet de faire des zooms ultra-puissants) sur une grue pour faire glisser la caméra le long d'un comptoir, sur le sol et très très près des musiciens, pour des effets encore inédits à l'époque. Le clou du spectacle ? L'explosion d'un bouton de la chemise d'un des membres du groupe qui joue dans ce bar moite de la Louisiane, que Fincher filme au ralenti. La caméra qui se faufile partout, le superzoom, le slow-mo à la limite de l'outrance : toute l'intro de Panic Room est déjà dans ce clip de 1988." 


2. Guns'N'Roses - "Welcome to the Jungle" - réalisé par Nigel Dick (1989)

Benoît Marchisio : "LE clip qui va lancer les Guns et faire définitivement de Propaganda la boite capable de s'attaquer à tous les genres musicaux. D'abord diffusée en plein milieu de la nuit car son contenu avait été jugé trop choquant par les pontes de MTV, la vidéo est repérée par des fans qui font de "Welcome to the Jungle" le clip le plus demandé à la hotline de la chaine - et l'une des premières vidéos virales... Ce succès installera le hard rock dans l'imaginaire grand public US et contribuera à lancer le label The Foundry chez Propaganda, entièrement consacré au hard rock et metal et pour lequel Fincher tournera "Jane Got a Gun" pour Aerosmith." 


3. Janet & Michael Jackson - "Scream" - réalisé par Mark Romanek (1995)

Benoît Marchisio : "Clip le plus cher de l'histoire au moment de son tournage (on parle de 5 millions de dollars minimum), il se tourne alors que Propaganda a perdu de sa superbe : les fondateurs (dont Fincher) sont partis, restent les petits malins de Satellite, la succursale "arty" de Propaganda, où Spike Jonze et Alex Proyas feront leurs premières armes. Mais c'est Romanek, futur réalisateur de Photo Obsession et Never let me go, qui décroche le juteux contrat, propulsant les frères et soeurs les plus connus de la planète dans un univers aveuglant à la THX 1138." 


4. Nike - "Guerilla Tennis" - réalisée par Spike Jonze (1995)

Benoît Marchisio : "Deux superstars du sport (Agassi et Sampras), un carrefour au beau milieu de San Francisco, un filet et 8 caméras. En quasi-live, Jonze jette ses deux acteurs dans une partie de tennis endiablée au coeur de la ville, bloquant la circulation et attirant une foule grossissant à vue d'oeil. Fun et bigarrée, la pub rappelle le "Sabotage" du même Jonze pour les Beastie Boys, dans sa spontanéité rafraîchissante au service d'une marque qui, à l'époque, cherchait avant tout à vendre un lifestyle plutôt que des paires de basket."  


5. Twin Peaks - "Pilot" - réalisé par David Lynch (1990)

Benoît Marchisio : "A l'heure de la troisième saison, le générique de fin du pilote de Twin Peaks rappelle une réalité souvent oubliée : la boite fondée par six jeunes turcs en 1986 est derrière l'une des séries les plus cultes de l'histoire de la télévision. Chargée de mettre en image la vision barrée mais précise de David Lynch et Mark Frost, Propaganda Films rend possible le tournage de ce projet fou validée par un network, ABC, tellement en retard au niveau des audiences qu'il était prêt à tenter ce pari fou. La suite appartient à la légende." 


6. Madonna - "Bad Girl" - réalisé par David Fincher (1992)

Benoît Marchisio : "Pas tout à fait du niveau de son travail pour le titre Express Yourself  de la Ciccone, Bad Girl est pourtant le clip le plus élégant de David Fincher. Aux portes d'Hollywood - il part tourner Alien3 dans la foulée - le réalisateur efface le style adolescent de ses débuts pour une narration claire. Exit les plans impossibles, place à la peinture d'une ville qui dévore ses habitants, aux intérieurs froids et aux dépressions sourdes. Tout est (déjà) là."

 


7. Meat Loaf - "I would do anything for love (but I won't do that)" - réalisé par Michael Bay (1993)

Benoît Marchisio : "Si nous avons aujourd'hui Transformers 5 dans nos salles de cinéma, c'est en partie à cause de (ou grâce à) ce clip. Subjugué par l'explosion de moyens mis en oeuvre pour filmer une love story bêta entre Meat Loaf (le gros monsieur aux seins énormes de Fight Club) et une jeune femme en mode La belle et la bête, Jerry Bruckheimer décroche son téléphone et rencontre le jeune fou auteur de ce clip impossible où se croisent un hélicoptère, un trône d'un autre temps et un très vieux téléphone. Pendant plus de six minutes." 


8. Kalifornia - réalisé par Dominic Sena (1993)

Benoît Marchisio : "Premier film d'un des co-fondateurs de la société et futur réalisateur de 60 secondes chronoKalifornia est l'extension sur 2h du style de Sena, qu'on a pu voir dans les clips de Janet Jackson ("Rythm Nation 1814", notamment). Si le film n'est pas excellent, il éprouve les techniques clipesques de la bande de Propaganda sur grand écran dès les premières secondes du film : angles ultra serrés, fumée surabondante, travelling appuyé sur une rutilante cabriolet, positions lascives... On en oublierait presque que c'est grâce à ce film que Brad Pitt décroche son rôle dans Seven. C'est Sena, collègue de Fincher à l'époque, qui lui soufflera le nom de beau blond pour incarner David Mills dans le film..." 


9. R.E.M. - "What's the frequency Kenneth" - réalisé par Peter Care (1994)

Benoît Marchisio : "D'abord pensée comme une vulgaire performance video (soit les clips qui mettent simplement en scène le groupe en train de jouer son morceau), "What's the frequency Kenneth" est surtout la première apparition de Michael Stipe totalement chauve. Lorsque Care, réalisateur anglais et pierre angulaire de Satellite avec Jonze et Romanek, voit son chanteur débarquer sans sa crinière habituelle, il décide de pirater le classicisme prévu au départ par le groupe et de proposer une vidéo entièrement décadrée, où le seul visage qui apparaît distinctement est celui, alors méconnaissable, d'un leader au sommet de sa puissance créatrice et de sa folie rock."  


10. Alanis Morissette - "Ironic" - réalisé par Stéphane Sednaoui (1995)

Benoît Marchisio : "C'est Propaganda en mode lo-fi mais avec un concept fort qui tient sur une ligne : Alanis Morissette se démultiplie sur les quatre sièges d'une vieille voiture américaine qui avance sur une route enneigée. Le Français Sednaoui, débarqué au début des années 1990 chez ses confrères américains, comprend tout à la force du pitch, ces courts résumés capables de cerner l'enjeu d'un clip, d'une pub ou d'un film. Tour de force de montage, "Ironic" demeure, encore aujourd'hui, un casse-tête jouissif sur fond de Rock FM franchement daté." 

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